Nous avons interviewé une professionnelle de l’équilibre entre vie perso et pro, la coach du bonheur Alexandra de Roulhac, basée à Boulogne-Billancourt et exerçant depuis une dizaine d’années tant au niveau individuel, qu’au sein d’entreprises.
Vous observerez dans ce troisième article du dossier « Psychologie au travail » des remises en question en termes de management, des problématiques liées aux nouveaux profils collaborateurs et LE pays idéal, où la notion de bonheur au travail n’est pas optionnelle mais bien intégrée au fonctionnement des entreprises.
Une seconde interview, celle d’un étudiant bientôt sur le marché du travail, vous permettra de mieux comprendre les enjeux actuels, auxquels les entreprises vont devoir faire face et trouver des moyens d’adaptation pour travailler avec les nouvelles générations..
Soyez prêt à découvrir un nouveau way of life…
Les entreprises sont plus libérées aujourd’hui concernant la question du bonheur, elles assument en effet davantage d’effectuer une démarche vers un professionnel ou d’ouvrir des postes dédiés au bien-être et/ou bonheur :
On observe en effet l’arrivée de nouvelles professions telles que les CHO, pour Chief Happiness Officer, qui ont pour rôle de développer la bonne entente, une ambiance positive et des temps forts de partage au sein même des locaux de l’entreprise. Alexandra De Roulhac souligne qu’il est positif et important de mettre le bonheur au coeur de la stratégie entreprise et qu’une personne dédiée puisse faire le lien entre les collaborateurs.
Les manières de travailler sont aussi un moyen de développer le taux de bonheur du collaborateur en lui offrant plus de liberté. Le salarié a encore plus envie de s’investir et de rendre la pareille à son employeur, dans le cadre d’une relation donnant/donnant. Le travail en home office, le télétravail et le mobile working sont, suivant la profession, d’excellentes alternatives pour éviter le quotidien et remotiver le collaborateur dans ses missions.
Les open spaces et l’organisation de l’entreprise permet de recréer un cadre de travail “comme à la maison”. Le fait de ne pas avoir de place attitrée peut en décourager certains, mais pour la majorité des témoignages récoltés, il s’agit d’un excellent moyen de responsabiliser le collaborateur en augmentant le sentiment de confiance lui étant accordée et en parallèle, sa productivité. À l’image de la start-up qui n’en est plus une… Nous pouvons citer les nouveaux locaux d’Airbnb Paris basés à Opéra depuis l’année dernière et qui ont vraiment été pensés pour maximiser le bien-être et l’ambiance décontractée, agréable, non formelle permettant de mieux communiquer et collaborer.
Si on facilite la vie des salariés, ils seront heureux de s’engager pour leur entreprise. Mais pour se faire, le management doit évoluer vers un modèle plus horizontal : le fonctionnement très hiérarchisé et le stéréotype de “petit chef” ne fonctionnent plus. Qui plus est, les nouvelles générations déjà présentes ou sur le point d’arriver sur le marché du travail recherchent en priorité la reconnaissance, et ne sont pas des cibles faciles à “capter” dans le fonctionnement actuel des entreprises.
Les nouvelles générations cherchent du sens au travail et veulent un bon équilibre entre vie pro et vie perso. Alexandra De Roulhac souligne que la génération Z (c’est-à-dire celle qui est née depuis l’an 1995) recherche plus de sens, d’émotions positives et le pouvoir de s’accomplir. Si on ne challenge pas ces générations, qu’on ne les valorisent pas, qu’on ne leur demande pas une vraie contribution, ils nauront pas peur de partir ou de créer leurs propres entreprises, fidèles à leurs valeurs.
D’où la citation qui retentit souvent dans leurs esprits : «votre génération est amenée à faire plusieurs métiers en une vie, à travailler dans beaucoup d’entreprises différentes – la grande carrière dans la même entreprise n’existe plus ». À juste titre, le problème ne viendrait-il pas des entreprises qui ne s’adaptent pas ? L’enjeu est pourtant énorme de leur côté : le recrutement et la fidélisation des prochaines générations de collaborateurs.
Alexandra De Roulhac affirme que ce n’est pas à l’un ou l’autre de s’adapter en totalité, mais bien à chacun de faire un pas pour s’inspirer de l’autre et réussir à s’entendre.
Selon le World Happiness Report qui classe 155 pays en fonction de sept critères principaux (l’aide sociale, la liberté, la générosité, l’honnêteté, l’espérance de vie, le PIB par habitant et la confiance accordée aux dirigeants), la Suède arrive en dixième position des pays les plus heureux du monde en 2017.
Alexandra De Roulhac nous a présenté la Suède et les pays nordiques en général comme de vrais exemples à suivre : travail et management différents, la philosophie de travail est le “Lagom” qui signifie « Ni assez, ni trop, ni trop peu ». Elle s’applique au domaine professionnel en impliquant les salariés à travailler durement, mais à 17h, les bureaux sont déserts, les pauses café sont obligatoires pour que chacun puisse ralentir et le management est instauré sur une base de confiance : la relation professionnelle est avant tout bienveillante et collaborative. Passer trop de temps au travail est un signe de problème au niveau du management.
Comment la Suède a-t-elle rendu le bien-être traditionnel ? À travers le Lagom et la recette du Fika. Ce dernier regroupe les pauses café, petits-déjeuners du vendredi matin, etc. Il permet de ralentir d’un coup l’entreprise en créant des moments de détente communs. Pour ralentir en France il faut une excuse, alors qu’en Suède, ils ont rendu cette excuse obligatoire. Il est en effet très mal vu de ne pas participer aux pauses café et ce peut être assimilé à du carriérisme, ce qui n’est pas du tout apprécié. A contrario de la France, le bonheur au travail étant d’ores et déjà au cœur du fonctionnement des entreprises Suédoises, la question d’y intégrer un coach de bonheur ne se pose pas.
Il faut souligner que la Suède est profondément marquée par la tradition Luthérienne, très axée sur la famille et qui est évidemment en lien avec la philosophie de travail Suédoise. Pour exemple, un parent pour être “légitime” n’a pas besoin de travailler comme un forcené, le rythme permettant de terminer plus tôt sa journée joue sur la vie familiale et permet de s’adonner à des loisirs. Ce sont 480 jours de congés parentaux qui sont à répartir entre les deux parents (à condition que chacun prennent 3 mois) et 120 à 180 jours sont réservés par enfants aux absences justifiées des besoins familiaux. Le résultat direct : le travail ne prévaut pas sur d’autres valeurs.
Cette philosophie de travail laisse leurs places au temps libre et aux loisirs. La conciliation vie pro/vie perso n’est plus seulement simplifiée mais simplement simple et innée.
Gaëtan Vitry est un étudiant Auvergnat de 22 ans, il va être diplômé en ingénierie aéronautique et mécanique de l’ISEA-ENSMA l’année prochaine. Au cours de son stage de 2ème année, il a décidé de s’envoler pour la Suède dans le département de génie industriel et science des matériaux des laboratoires de l’université de LUND.
Sa courte expérience de seulement 3 mois a été bien plus enrichissante et formatrice qu’il n’aurait pu l’espérer. Entre nouvelle culture, philosophie du FIKA et remise en question sur l’avenir, il nous raconte pourquoi la France a tout intérêt à prendre pour exemple la Suède et nous annonce son retour prochain dans ce pays aussi froid qu’attachant !
Peux-tu nous expliquer rapidement dans quel type de structure tu as évolué ?
J’ai eu l’opportunité d’intégrer l’une des plus grandes universités de Suède, qui parie beaucoup sur la mise en relation entre éducation et recherche. Les laboratoires travaillent étroitement avec les entreprises en leur faisant bénéficier de leur savoir-faire et de leur matériel. Les espaces de recherche sont entièrement ouverts aux étudiants pour l’éducation et la conduite de projet. Même s’il s’agit d’une université, 250 personnes sont présentes sur l’institution avec des départements d’une cinquantaine de personnes avec à chaque fois : 1 chef de département, des professeurs attitrés, des docteurs, des doctorants en devenir, des masters et des stagiaires, comme moi.
Tu as tout de suite souligné l’importance pour cette université de mettre en relation éducation et recherche, peux-tu nous exposer les différences que tu as observées, en comparaison à tes expériences en France ?
Le fonctionnement n’a clairement rien à voir ! Le cadre et l’ambiance sont à l’opposé de ce que l’on connaît ici. Pour commencer : le rythme est tout autre, malgré le contrat de 40h que j’avais, je finissais tous les jours à 17h grand maximum. Les journées commencent en effet à 7h ou 8h et à 17h les bureaux sont vides et fermés, commençant à se vider à 15h. J’ai immédiatement été surpris par d’autres particularités telles que : l’absence totale de bureau attitré (sauf pour les responsables), la possibilité de travailler n’importe où, beaucoup d’espaces conviviaux (vraies salles de repos, terrasses, divertissements, etc) et la liberté de faire des pauses quand bon nous semble avec 2 pauses obligatoires dans la journée.
Mais si tu souhaitais faire des heures supp pour boucler tes dossiers les bureaux pouvaient rester ouverts non ?
Absolument pas ! En suède il est assez mal vu de faire des heures supplémentaires pour terminer une tâche, ce qui peut paraître assez étonnant mais finalement ça oblige à être plus efficace. Qui plus est, le management n’est pas calqué sur le modèle Français : il est assez effacé et tend sur un modèle horizontal, personne ne vaut plus qu’une autre. La notion de “petit chef” n’existe pas, les relations sont basées sur la confiance, la convivialité et aucune individualité n’est présente.
J’imagine que c’était vraiment plaisant d’évoluer dans cette atmosphère et que tu as donc pu être force de proposition ?
Exactement, en étant vraiment d’égal à égal avec les collaborateurs l’intérêt qu’on te porte et la confiance qui t’est accordée sont une vraie source de motivation et c’est plus impliquant. Je me suis rendu compte que c’était vraiment bénéfique tant au niveau du travail personnel, que du travail en équipe. La conséquence principale du management horizontal est qu’il n’y a pas ou très peu de relations conflictuelles puisque tout le monde est dans le même bateau. La Suède est un pays très consensuel et bienveillant, si tu es rigoureux et transparent en montrant que tu as envie de faire partie de l’aventure (en adhérant entièrement au fonctionnement), ton adoption se fait rapidement.
Penses-tu que ce fonctionnement est en accord avec les nouvelles générations ?
J’en suis certain ! La Suède attire les jeunes générations : la façon de travailler est très attractive, le collaborateur est moins stressé, l’ambiance est réellement “cool” tout en ayant une qualité de travail supérieure.
Après cette expérience, qu’est-ce qui est primordial pour toi de retrouver au sein de ta future entreprise ? Et quel serait ton maître-mot ?
De l’indépendance, de la souplesse de la part de l’entreprise, de la confiance pour pouvoir m’approprier rapidement les projets et missions, surtout pas un fonctionnement basé sur une hiérarchisation trop soutenue, qui créée clairement du stress et donc moins de plaisir à travailler et un résultat de moins bonne qualité.
Je ne veux pas non plus être en souffrance à travers un travail empiétant sur mes loisirs et ma vie de famille, je cherche une réelle complémentarité de la vie pro et de la vie perso : ce qui correspond entièrement au fonctionnement Suédois.
Quant à mon maître mot, ce serait sans aucun doute : LE FIKA.
Pour conclure, si tu avais le choix entre le même poste : en France près de ta famille et de tes amis ou en Suède pour bénéficier de conditions de travail différentes ?
La question ne se pose même pas : puisque c’est un moyen de mieux profiter de son clan, de ses loisirs, de s’octroyer plus de temps pour soi et de bénéficier d’une qualité de vie optimisée et d’une réduction du stress… Sans aucun doute la Suède ! J’y retourne d’ailleurs dans quelques semaines pour mon stage de fin d’études de six mois !
Alexandra De Roulhac, notre coach du bonheur, tenait à bien mettre en lumière qu’être mal dans sa vie professionnelle influe également sur sa vie personnelle : continuer à penser négatif en dehors des heures de travail est évidemment déplorable pour l’individu en lui-même. Au niveau énergétique et des pensées, un moment négatif au travail engendre le double de temps de récupération et de nombreux effets néfastes sur les heures qui suivent. On ramène ses problèmes à la maison, qui peuvent clairement se répercuter sur sa vie familiale, amoureuse, amicale, etc. Du côté collaborateur, l’enjeu n’est donc pas seulement l’épanouissement dans sa vie pro, mais donc l’équilibre dans sa vie personnelle.
Le management est l’une des clés de l’épanouissement des collaborateurs, ce n’est pas une surprise. Néanmoins, de nombreuses bonnes pratiques sont à prendre ailleurs et l’enjeu est évident : à l’image du témoignage de Gaëtan Vitry, les entreprises doivent s’adapter aux valeurs des nouveaux collaborateurs qui n’ont pas peur d’entreprendre et qui de toutes manières, créeront des postes qui leur correspondent si les entreprises ne le font pas.
Nouvelles générations, nouveaux modes de fonctionnement, nouvelles attentes… Ne serait-ce pas le moment de se remettre en question et d’envisager un change management en interne ? Les intérêts sont communs, gagnons du temps… À méditer !
Les propos ici développés appartiennent à notre coach du bonheur, Alexandra de Roulhac et au témoignage de Gaëtan Vitry, les avis, conseils et conclusions en question sont donc en rapport avec leurs visions du bonheur au travail et peuvent différer en fonction du professionnel et de la personne engagée.
Précision : cet article n’a pas été sollicité par la professionnelle citée.
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